Depuis le 22 octobre, le Musée de la Marine propose une plongée inédite dans cette aventure historique. Intitulée Magellan, un voyage qui changea le monde, l’exposition Magellan retrace le périple titanesque entrepris en 1519 par le navigateur portugais Fernand de Magellan et ses 237 hommes, partis de Séville avec cinq navires. Trois ans plus tard, seuls dix-huit survivants regagnaient l’Espagne à bord d’un unique navire, sans leur capitaine, tué aux Philippines.
Cette aventure hors norme, coproduite par le musée, Camera Lucida et Lucid Realities, s’appuie sur la série documentaire L’Incroyable périple de Magellan, réalisée par François de Riberolles et illustrée par les dessins du collectif Remembers, dirigé par Ugo Bienvenu.
Le parcours immersif installé au palais de Chaillot transforme la visite en expérience sensorielle. Grâce à des projections monumentales, des décors théâtralisés et un récit porté par la voix du chroniqueur Antonio Pigafetta, le visiteur est transporté dans l’épopée maritime qui a changé la vision du monde au XVIe siècle.
Plus qu’une simple reconstitution historique, l’exposition interroge les motivations géopolitiques de l’expédition, les violences commises et les figures méconnues de cette odyssée qui marqua un tournant dans l’histoire de la navigation.

Un parcours guidé par Antonio Pigafetta
Le visiteur foule le sol du musée de la Marine, accompagné par la voix du gentilhomme italien, embarqué sur la Trinidad comme chroniqueur du voyage. Son journal est l’un des témoignages les plus précieux de cette expédition et c’est grâce à ses écrits que nous connaissons les détails du périple. Dès l’entrée, une carte animée présente le contexte des grandes explorations maritimes espagnoles et portugaises entre 1487 et 1522.
Le traité de Tordesillas, signé en 1494, avait divisé le monde en deux, attribuant à l’Espagne et au Portugal des zones d’influence séparées par un méridien passant au milieu de l’océan Atlantique. Magellan parie alors que les îles Moluques, seules terres productrices de clous de girofle, se trouvent dans la moitié espagnole. Il propose alors au roi Charles Ier de rejoindre ces îles aux épices par l’ouest, en contournant le continent américain. Le monarque accepte et finance une armada de cinq navires : la Trinidad, le San Antonio, la Victoria, la Concepción et le Santiago.
Le 20 septembre 1519, l’équipage lève l’ancre depuis Sanlúcar de Barrameda. À son bord, 237 hommes de diverses nationalités : Espagnols, Portugais, Italiens, Français et Grecs. L’exposition dévoile la composition précise de cette flotte à travers des infographies détaillées qui se mettent à jour au fil du parcours, témoignant des disparitions successives.

Une scénographie immersive captivante
La force de l’exposition Magellan réside dans sa capacité à immerger le public au cœur de l’action. Brigitte Poupart, à l’origine du concept et coscénariste avec François de Riberolles, a conçu, avec l’Atelier Maciej Fiszer, une scénographie mêlant dispositifs théâtraux et projections audiovisuelles. Sur 830 m², le parcours alterne entre éléments architecturaux imposants et grandes projections murales.
Les visiteurs déambulent d’abord devant un modèle de la Victoria, puis pénètrent dans une cale de navire reconstituée où plusieurs écrans grand format diffusent des entretiens d’experts et le récit de Pigafetta. Plus loin, des écrans-voiles déploient les paysages grandioses traversés par l’équipage lors du passage du détroit de Magellan. L’océan Pacifique se matérialise ensuite dans toute son immensité, rappelant les 105 jours de navigation sans escale que les marins ont endurés.
François de Riberolles, le réalisateur de la série documentaire L’Incroyable périple de Magellan diffusée sur Arte et disponible jusqu’en avril 2026, a déclaré lors de la présentation de l’exposition : « Nous voulions faire dialoguer la culture, l’histoire et les innovations pour offrir une expérience qui va au-delà du simple documentaire. » Cette ambition se retrouve dans chaque section du parcours, où les dessins d’Ugo Bienvenu et du studio Remembers occupent une place centrale. Les 865 illustrations créées pour la série sont reproduites en grand format, offrant une dimension graphique puissante qui accentue la dimension épique du voyage.
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Les épreuves et les trahisons
L’exposition ne cache rien des zones d’ombre de l’expédition. Après une traversée de l’Atlantique marquée par des tensions croissantes entre Magellan et ses capitaines espagnols, la flotte atteint San Julián, en Argentine, le 31 mars 1520, pour y hiverner. C’est là que la rébellion menée par Juan de Cartagena, Luis de Mendoza et Gaspar de Quesada éclate. Magellan réprime la mutinerie avec une violence implacable. Désormais, pour échapper à l’accusation de trahison, il doit rentrer victorieux, chargé d’épices.
En mai 1520, le Santiago fait naufrage lors d’une mission d’exploration. La flotte est alors réduite à quatre navires. Le 18 octobre, Magellan ordonne de reprendre la route vers le sud. Trois jours plus tard, les marins découvrent l’entrée du détroit qui porte aujourd’hui le nom du navigateur portugais. Michel Chandeigne, spécialiste de l’histoire maritime portugaise et conseiller scientifique de l’exposition, explique : « Treize mois après être partis d’Espagne, par 52 degrés de latitude sud, les quatre navires découvrent enfin une baie différente des autres. »
Le passage du détroit représente un défi de navigation considérable. Goulets étroits, vents glacés, forts courants : les conditions sont extrêmes. Lors d’une mission d’exploration, le pilote portugais du San Antonio, Estêvão Gomes, convainc son équipage de déserter. Il espère ainsi rentrer en Espagne pour dénoncer Magellan et obtenir le commandement d’une nouvelle expédition. Le 28 novembre 1520, les trois navires restants pénètrent enfin dans un vaste océan que Magellan baptise Pacifique.

La traversée du Pacifique et la mort de Magellan
La traversée du Pacifique est l’une des sections les plus saisissantes de l’exposition. Les 105 jours sans escale durant lesquels les marins n’aperçoivent que deux atolls qu’ils ne peuvent aborder sont restitués à travers des projections évoquant le vide et l’angoisse. Pigafetta note : « Depuis notre sortie du détroit, nous naviguons sans répit. Par chance, cet océan est calme ; nous l’appellerons désormais Pacifique. »
Contrairement aux idées reçues, cette traversée fut la moins meurtrière du XVIe siècle. Sur les 166 marins qui quittent le détroit, seuls neuf meurent. Le céleri sauvage, riche en vitamine C, récolté à San Julián, protège les équipages du scorbut, sans qu’ils le sachent. Le 6 mars 1521, la flotte atteint enfin l’île de Guam, aux Mariannes. Les marins se ravitaillent rapidement, pillent et brûlent les villages, puis reprennent la mer.
Le 16 mars 1521, l’expédition atteint les Philippines. Pendant 42 jours, Magellan navigue d’île en île, signe des traités d’amitié avec le souverain de Cebu, puis provoque Lapulapu, le chef de l’île voisine de Mactan. La bataille du 27 avril 1521 tourne au désastre. Magellan et sept de ses compagnons trouvent la mort. Les circonstances de cette mort restent énigmatiques. S’agirait-il d’un fantasme d’invincibilité d’un homme ayant perdu sa lucidité ou d’un acte suicidaire d’un soldat conscient de son échec ? L’exposition présente les différentes hypothèses à travers des interviews d’historiens.
Quatre jours après la mort de Magellan, un nouveau drame frappe l’équipage. Le roi de Cebu invite vingt-six membres de l’équipage à un banquet qui se révèle être un guet-apens. Tous sont tués ou faits prisonniers. La flottille, réduite à deux navires et à cent treize hommes, entame alors une errance qui la mènera à Palawan et à Bruneï. Ce n’est que le 8 novembre 1521 que l’expédition atteint enfin les Moluques.

Le retour et l’héritage
Aux Moluques, les marins découvrent les précieux girofliers. Pigafetta décrit avec précision ces arbres qui ne poussent que sur cinq îles de l’archipel indonésien. Les navires sont chargés de clous de girofle. Gonzalo Gómez de Espinosa, devenu capitaine-général après la mort de Magellan, décide de diviser les risques pour le retour. La Trinidad tente de rentrer par le Pacifique, mais est capturée par les Portugais. Seuls quatre hommes survivent et rentrent en Europe en 1526.
Juan Sebastián Elcano, capitaine de la Victoria, emprunte la route portugaise par l’ouest. Il réalise l’exploit d’une navigation de 151 jours sans escale, de Timor jusqu’au cap Vert. Le 6 septembre 1522, il arrive à Sanlúcar de Barrameda avec dix-sept autres survivants. Personne ne les attendait plus. Pigafetta écrit : « Après un périple de 86 000 kilomètres effectué en 1 080 jours, nous sommes enfin de retour à Séville. »
Elcano est célébré en héros en Espagne. Pour les Espagnols, Magellan reste un Portugais qui les a menés en bateau. Au Portugal, il est considéré comme un traître. Aux Philippines, c’est Lapulapu qui est glorifié en tant que premier résistant à la colonisation. L’exposition invite à la réflexion sur ces multiples héritages et sur la manière dont l’aventure a servi différents récits nationaux.

Une programmation culturelle riche
Le musée de la Marine accompagne l’exposition Magellan d’une programmation culturelle variée. Des visites guidées pour adultes sont proposées tous les jeudis et samedis après-midi. Elles offrent une introduction à l’exposition, suivie d’une visite libre des projections.
Des visites-ateliers sont proposées aux familles avec des enfants de 8 à 12 ans pour leur permettre de réaliser leur propre journal de bord.
Le 23 octobre, une table ronde a présenté les coulisses de cette collaboration inédite entre un musée et une société de production. Michel Chandeigne, Brigitte Poupart et François de Riberolles y ont partagé leur expérience de création. Le 22 novembre, une contre-soirée permettra de découvrir l’exposition sous un angle décalé, avec un bar à tatouages éphémères, une fresque sonore participative et des dégustations de mocktails épicés.
Le 24 janvier 2026, un concert littéraire mettra en dialogue des extraits du livre Magellan de Stefan Zweig avec des compositions jazz du quatuor Clover. Michel Chandeigne donnera également une conférence le 22 novembre sur les mythes et les réalités du voyage de Magellan, à l’occasion de la parution de la troisième édition de son ouvrage de référence sur le sujet.
D’autres conférences aborderont les exploratrices oubliées de l’histoire et l’histoire des épices qui ont motivé tant d’expéditions.

Un dispositif technique impressionnant
La réussite de l’exposition Magellan repose sur un dispositif technique impressionnant. Une quinzaine d’audiovisuels alternent cartes animées, projections sur écrans géants, interviews d’historiens et prises de vue réelles. Les experts interrogés proviennent de France, d’Espagne, du Portugal, d’Argentine, du Chili et des Philippines, offrant ainsi une perspective internationale sur cet événement fondateur.
La conception sonore de Samy Bardet et la conception lumière d’Alexis Coussement créent une atmosphère immersive qui amplifie l’impact des images. L’ingénierie audiovisuelle de Marc Marchand permet une synchronisation parfaite des multiples écrans qui jalonnent le parcours. Les reproductions grand format des dessins d’Ugo Bienvenu occupent trois îlots thématiques dans la section consacrée aux archipels de l’Extrême-Orient, créant ainsi des espaces de contemplation au milieu du flux narratif.
En fin de parcours, une projection montre le trajet complet de la Victoria sous la forme d’un globe animé. Les visiteurs peuvent ensuite admirer deux documents d’archives exceptionnels : le manuscrit d’Antonio Pigafetta de 1524 conservé à la Beinecke Library de l’université Yale, et le journal de bord de Francisco Albo extrait du manuscrit original du XVIe siècle.
Une exposition accessible et pédagogique
Le musée de la Marine a conçu cette exposition pour les enfants à partir de dix ans, pour une durée de visite d’environ une heure et demie. Le parcours, divisé en six sections, suit la chronologie du voyage de l’équipage, ce qui facilite la compréhension de cette aventure complexe. Un livret de visite gratuit, illustré d’images extraites de la série documentaire, est à la disposition du public pour une visite en autonomie.
L’institution parisienne s’affirme ainsi comme un acteur majeur de la médiation culturelle autour des enjeux maritimes. Installé au palais de Chaillot, le musée bénéficie d’une situation privilégiée sur la place du Trocadéro.
L’exposition est ouverte tous les jours de 11 h à 19 h, sauf le mardi, et propose une nocturne le jeudi jusqu’à 22 h.
Le grand mécène CIC soutient cette exposition ambitieuse. Claude Koestner, directeur général délégué du CIC, déclare : « Grand mécène du musée national de la Marine, nous sommes fiers d’accompagner l’exposition Magellan, un voyage qui changea le monde, un rendez-vous immersif retraçant l’épopée du premier tour du monde. » Ce partenariat permet au musée de proposer une programmation de grande qualité accessible au plus grand nombre.
Un événement culturel majeur de la saison !
L’exposition Magellan s’inscrit dans la lignée des grandes expositions immersives qui révolutionnent l’approche muséale. À mi-chemin entre documentaire historique et installation artistique, elle offre une expérience marquante. La série documentaire d’Arte, disponible en ligne jusqu’au 19 avril 2026, prolonge la visite et permet d’approfondir certains aspects du voyage.
Jusqu’au 1er mars 2026, le musée invite le public à embarquer pour ce voyage qui a changé la perception du monde. Au-delà de la prouesse maritime, l’exposition aborde les implications humaines et sociales des grandes expéditions de découverte, les violences commises contre les peuples autochtones et les femmes, ainsi que l’héritage laissé dans le sillage de cette circumnavigation. Une réflexion nécessaire sur un événement fondateur qui continue de résonner cinq siècles plus tard.
Musée de la Marine
Palais de Chaillot
17 place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75016 Paris
Tel : 01 53 65 69 69
www.musee-marine.fr



