Junichi Abe, toujours alchimiste, a changé de braquet pour l’Automne 2024, se lançant dans une exploration méticuleuse de ce qui constitue un “chef-d’œuvre” dans le domaine de la mode masculine. Exit les superpositions exubérantes et les collages en patchwork qui caractérisaient les collections Kolor précédentes. Au lieu de cela, Abe a opté pour une élégance sobre, mettant l’accent sur une confection impeccable et des embellissements subtils qui élèvent les vêtements classiques à de nouveaux sommets.
En descendant l’escalator central de l’université de la Sorbonne, les mannequins n’étaient plus les guerriers tribaux du défilé du printemps dans la cour. Cette saison, ils dégageaient une quiétude sophistiquée, leurs ensembles étant ancrés dans les traditionnels blazers, cardigans et trench-coats en laine. La palette feutrée de verts sombres, de gris et de beiges soulignait l’importance accordée par la collection à l’artisanat, tandis que des touches de couleur se glissaient dans les sacs à bandoulière d’un rose éclatant.
La maîtrise d’Abe s’est manifestée dans des détails complexes : des œillets dorés s’accumulent le long des ourlets des trenchs, des blazers brodés et des filigranes délicats ornent les poches et les bordures des vestes. Il a utilisé les volumes de façon magistrale, en créant une veste bouffante qui a fait l’effet d’une bouffée d’air frais au milieu de la collection, dont l’esthétique était par ailleurs très terre-à-terre.
Pourtant, au milieu de ce raffinement, Abe a injecté une dose subtile d’“uncanny valley”. Les cols des duffle-coats et des chemises classiques étaient mystérieusement absents ou de travers, perturbant l’équilibre de ces vêtements familiers. Il ne s’agissait pas d’une déconstruction dramatique, mais d’un murmure de subversion, incitant le porteur à reconsidérer la relation qu’il entretient avec ses vêtements.
Les vestes de travail ont été doublées descouches matelassées, les peacoats ont arboré des revers de smoking et les vestes varsity ont vu leurs rayures caractéristiques réaffectées à l’empiècement du dos. Les ceintures ont migré vers le haut, suspendant les pantalons un pouce plus haut, tandis que les escarpins pour femmes ont été dotés d’embouts en polaire. Ces modifications apparemment mineures confèrent aux vêtements un caractère inattendu, encore amplifié par l’éclat occasionnel des bijoux et des broderies d’or.
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L’aperçu le plus révélateur du processus créatif d’Abe était peut-être sa propre tenue, le prototype original des chinos peints qui ont orné le défilé. Il a révélé que ces vêtements provenaient d’une collection kolor datant de près de vingt ans. En revenant sur une création passée et en la réimaginant, Abe souligne la nature itérative de son art, où chaque saison s’appuie sur la précédente, dans un dialogue continu entre le passé et le présent.
Lorsqu’on lui demande s’il se considère comme un artiste, Abe répond par la négative : “Je suis un concepteur, un concepteur de production, un concepteur de vêtements”. Mais dans sa quête tranquille de remise en question de notre perception de l’ordinaire, Abe transcende les simples étiquettes. C’est un conteur d’histoires, qui tisse des récits à travers le tissu et le fil, en imprégnant les vêtements de tous les jours d’inattendu, de raffinement et de subtilité déstabilisante. Il est, par essence, l’architecte de ses propres chefs-d’œuvre sartoriaux, chaque collection témoignant de sa quête incessante de la beauté dans le familier.
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© kolor